Témoignage : la ferme de Bousval
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Accueil et transformation à la ferme
Damien Vermeiren rêvait de reprendre la ferme familiale… Rêve devenu réalité en 2012. L’accueil et la transformation restent des activités centrales sur la ferme, même s’il a fallu rationaliser les activités pour alléger le temps de travail : changement des canaux de commercialisation, passage en monotraite, élargissement de la gamme de produits… De nombreux changements ont été menés depuis une dizaine d’années ! Damien nous raconte les changements mis en place, et les synergies fortes entre l’accueil, la transformation et la vente à la ferme.
Cette fiche est un résumé du témoignage de Damien, disponible en version longue à la suite de ce webinaire sur la transformation:
Au temps du grand-père de Damien, la ferme était un élevage porcin qu’il qualifie d’industriel. Dans les années 80, son père reprend la ferme. Il arrête l’activité porcine et achète quelques vaches pour produire du lait et le transformer en beurre et fromage. Ensuite, il démarre la culture de fraises qui prend de l’ampleur et dont les surplus sont écoulés en glace.
Dans les années 90, les parents de Damien se voient perdre l’accès à une partie de leurs terres, mises en vente à un prix inaccessible pour eux. La surface de leur ferme est alors réduite à 35 ha. Face à cette situation de crise, la maman de Damien décide d’inclure des activités pédagogiques au sein de la ferme. C’est ainsi qu’ils ont commencé à accueillir des écoles à la ferme.
Selon Damien, l’accueil et la transformation à la ferme ont permis de stabiliser la ferme de ses parents, de la maintenir viable et transmissible. Lors de sa reprise, Damien estime aussi qu’il a eu de la chance, car ses parents étaient déjà très ouverts. Dès le départ, il a pu mettre en place les changements qu’il voulait
Quand mon papa m'a remis la ferme, il m'a dit "maintenant tu fais comme tu veux" et même si on a une pique de temps en temps, il ne remet pas mes changements en cause. Et quand je vois des amis qui ont eu le malheur de perdre leur papa, c'est le décès qui leur a permis de faire leur ferme à leur manière.
Les conflits de génération peuvent amener à ce que les fermes restent dans des schémas traditionnels. Pour Damien, sans diversification, la ferme ne serait plus là. Et aujourd'hui, il continue à vouloir dynamiser la ferme.
Pour moi, c'est un équilibre à trouver entre les expériences des anciens et le dynamisme des jeunes, et de donner un coup de fouet pour oser changer. Ne pas avoir peur du changement, car au final souvent on regrette de ne pas l'avoir fait plus tôt. Le changement fait peur, mais au final c'est rare que je sois déçu des changements que j'ai mis en place.
Une reprise avec pour objectif une rationalisation du travail
La diversification, c'est bien car ça a permis de sauver la ferme. Mais par contre, on s'était trop étalé dans tous les sens et alors on finit par mal faire les choses car on n'a plus le temps de faire ce qu'on fait bien.
La diversification a comme impact négatif une charge très élevée en travail. Assez rapidement après la reprise, Damien recible les activités afin d’optimiser la charge de travail :
Arrêt de la production de fraises
Cette activité s’était répandue dans la région, et son pic de travail se situe en mai et juin, en même temps que le travail aux champs et l’accueil des écoles. Cependant, c’est un excellent produit d’appel pour le magasin à la ferme, donc il maintient la revente de fraises d’un producteur voisin.
Changement des canaux de commercialisation
Le papa de Damien commercialisait les produits en vente directe, par le biais d’un magasin à la ferme et de marchés hebdomadaires. Damien a arrêté ces marchés hebdomadaires qui étaient trop aléatoires en terme de vente, chronophages et qui le tenaient éloigné de la ferme.
Peu après sa reprise, Damien a été sollicité par une grande chaine de magasins qui souhaitait faire un rayon de produits locaux. Le contrat est associé à une charte de respect incluant 3 points importants pour lui : pas de contrainte de volumes, les prix sont fixés par les agriculteur∙rice∙s et il n'y a pas d'invendus. Les magasins gèrent leurs stocks, et il n’y a pas de pénalité s’il ne sait pas assurer une livraison.
Une logistique soutenue par Made In BW
Made In BW est une ASBL subventionnée par la province du Brabant Wallon, qui s'est mise en place pour aider les producteurs à mettre leurs produits sur le marché, en réglant des problèmes d'ordre logistique (transport, facturation...). Cette plateforme joue le rôle d'intermédiaire entre les producteurs et les grandes surfaces et gère la logistique. Ça a été un point important pour Damien, qui y trouve un gain de temps important à ne plus devoir lui-même assurer la livraison des magasins mais uniquement de la centrale.
Passage en monotraite
Malgré ces changements, la charge de travail reste trop élevée et Damien est en quête d’un changement pour continuer de faire évoluer sa ferme.
Sa première idée est d’investir dans un robot de traite. Mais en poussant plus loin sa réflexion, il prend conscience des lourds emprunts nécessaires, qui le pousseraient à devoir traire plus de vaches pour augmenter sa production et au final, il se retrouverait avec une charge de travail plus élevée.
Je devais traire plus de vaches pour valoriser le robot, toutes les consommations d'eau, d’électricité allaient se rajouter aux investissements. Donc j’allais m’imposer des frais et investissements sans avoir plus de confort de vie, à part que je ne devais plus m'installer sous la vache pour la traire.
L’idée de la monotraite fait son chemin dans les réflexions de Damien, soutenue par des échanges avec une stagiaire et différentes recherches en ligne. « Ca ne coutait rien d’essayer » et il s’est lancé. Après une période difficile d’une quinzaine de jours, la nouvelle habitude s’installe.
J'ai eu dur pendant 15 jours, je ne le sentais pas trop, j'avais du mal à l'accepter. Parfois même par l'égo, on a toujours fait ça comme ça, c'est un changement... J’avais l’impression de me tourner les pouces.
Au final, il estime une diminution de production d’une vingtaine de pourcent, qu’il compense en augmentant un peu le nombre de vaches à la traite. Aujourd’hui, ses vaches sont nourries uniquement à l’herbe (préfané, mélange trèfle et luzerne) et la moyenne de production est à environ 10l quotidien par vache. Le rythme de travail s’est fortement allégé et un retour à la bi-traite ne serait pas envisageable pour Damien : la monotraite lui a réellement permis d’améliorer son confort de vie et de gagner du temps sur sa journée. Du temps qui peut être mis à profit pour réfléchir et pour passer du temps en famille.
C'était des journées qui n'en finissaient pas. En monotraite, je passe plus de temps, environ 1h30 au lieu d'une heure, mais quand c'est fini, c'est hors de ma tête pour la journée. Je n'y pense plus, et comme on écrème tout, on n'a pas de tank à lait pour conserver le lait. Mais donc je devais écrémer matin et soir, et nettoyer tout le matériel deux fois par jour. C'est beaucoup de contraintes pour peu de profits au final.
Chez DiversiFERM, d'autres producteur∙rice∙s ont aussi fait le choix de la monotraite. Et souvent, le gain de confort de vie est significatif. La comparaison est souvent faite avec le robot, qui ne permet pas ce gain de confort car il faut toujours être disponible en cas de panne. Certains disent pouvoir prendre des vacances, reprendre une activité le soir. Mais c'est un choix à réfléchir, et notamment anticiper des problèmes de mammites. Le comité du lait ou d'autres structures aident pour les transitions en monotraite.
Redynamisation de la transformation laitière
Marie-Eve, l’épouse de Damien, a récemment décidé de revenir travailler sur la ferme, avec notamment comme projet la redynamisation de la transformation laitière. La gamme de fromages s’élargit pour suivre la demande des jeunes générations de consommateurs, des gâteaux glacés décorés pour des évènements spécifiques,… Cette redynamisation demande de passer d’une autorisation à un agrément AFSCA. Rien d’insurmontable pour Damien, la base étant surtout liée à la qualité du local de transformation.
En transformation laitière, la seule chose très contraignante pour l'agrément, c'est la création d'un sas d'entrée obligatoire. DiversiFERM conseille d’ailleurs de prévoir ce sas dès la conception, même pour une autorisation. Si l'atelier est en route, puis qu’il faut passer en agrément, on doit tout bouger pour mettre un mur, c'est très contraignant.
A l'étape de la conception, on insiste sur la possibilité des modifications futures qui soient faciles. Donc on a tendance à conseiller une seule grande pièce avec le matériel et les tables sur roulettes, pour le moduler facilement.
Cette organisation permet d'avoir chacun son domaine. Marie-Eve gère la transformation du lait, le suivi des normes d’hygiène et l'inscription des écoles et stages, tandis que Damien s’occupe des bêtes, des cultures et des visites des enfants. Marie-Eve soutient également la communication sur les réseaux sociaux, informant la clientèle de l’arrivée d’un nouvel animal sur la ferme, d’une naissance…
Grâce à la vente directe, ils décident du prix de vente de leurs produits. A l’époque du calcul, Damien souhaitait valoriser le litre de lait à 1€. Il a donc établi son prix sur cette base, en intégrant une rémunération dans son calcul.
On regarde ce qui se fait chez les autres, mais ce n'est pas cohérent de s'aligner sur ce que les autres font. On avait peur que le client final trouve ça cher mais si on le met moins cher, on est perdant.
Au-delà de la qualité et de la diversité des produits, il faut encore les mettre en avant. Certains produits ont une marge plus faible et servent de produits d’appel, d’autres sont plus rémunérateurs pour l’agriculteur.
Synergies entre vente directe et activité pédagogique
Le magasin vit beaucoup grâce aux gens de passage, de par la proximité de grandes villes. L’activité pédagogique permet de laisser l'étable ouverte pour les visiteurs et clients du magasin avec une multitude d'animaux. C'est comme un service en plus fournit avec le produit, ajoute Damien. Même si le produit est bon, il faut attirer le consommateur, la diversité ou la qualité ne suffit pas.
L’activité pédagogique vit grâce au bouche à oreille, et est soutenue par leur proximité de Bruxelles. Différents animaux sont ainsi présents : chèvres, moutons, lapins, poules. Ils accueillent une vingtaine d'écoles entre avril et juin, avec à chaque fois une quarantaine d'enfants. Pendant les vacances de printemps et d'été, ils organisent des stages de 9 à 16h. Au programme du matin, ils s'occupent des animaux : distribution de foin, paille, lait, changement des vaches de prairies. L’après-midi se décline avec différentes activités : fabrication de pain et sorbet, tour en tracteur ou en poney. Les enfants sont ravis, et c’est une manière indirecte de faire connaitre ses produits en vente directe.
Cette activité a été développée par obligation envers ses parents, et selon Damien, c’est un excellent moyen d’être réellement rétribué pour son travail, plutôt que de dépendre d’industriels. Cet ensemble d’activités lui permet d’être réellement indépendant, une valeur qui lui est chère.
Quand j'ai repris la ferme, la première chose qui m'a choquée, c'est qu'on dit qu'on est indépendant, mais on n'est pas du tout indépendant. En nourrissant mes bêtes que à l'herbe, je ne dépends plus des engrais pour mes prairies, j'ai retrouvé une indépendance. Quand je vends mes produits laitiers, je mets les prix que je veux, un prix que j'estime rémunérateur. Et pour les écoles, je mets un prix, l'école vient, elle paie, elle repart, il n'y a pas de surprise, c'est pas un prix mondial. C'est compliqué à expliquer, tout le monde n'est pas ouvert à la diversification. Mais ça m'a permis en faisant moins d'être mieux. On ne doit pas être dans la course à faire plus.
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