En résumé…

L’agroécologie offre un cadre de réflexion et d’action pour conduire le changement de la société et répondre aux enjeux climatiques ainsi qu’aux objectifs du développement durable. Elle concerne les trois piliers de ce dernier : le pilier environnemental, le pilier social et le pilier économique. Treize grands principes donnent les lignes directrices de cette transition. Ces principes s’appliquent à l’ensemble du système alimentaire et des acteur∙rice∙s qui le constituent. Ils permettent de construire une vision commune pour l’évolution du système agroalimentaire et de définir des lignes rouges qui sont en opposition avec eux.  À l’intérieur de la zone de transition délimitée par ces principes, une multitude de mises en œuvre pratiques sont à créer en fonction des réalités de chacun.ne. 

Un ensemble de principes

"L'agroécologie est une approche holistique et intégrée qui applique simultanément des concepts et des principes écologiques et sociaux à la conception et à la gestion de systèmes agricoles et alimentaires durables. Elle cherche à optimiser les interactions entre les plantes, les animaux, les hommes et l'environnement tout en répondant à la nécessité de systèmes alimentaires socialement équitables au sein desquels les gens peuvent choisir ce qu'ils mangent et comment et où il est produit1 ».

Réduire l’agroécologie à quelques phrases, aussi complètes et consensuelles que possibles, serait la vider d’une partie de son essence. L’agroécologie est plurielle et ne rentre pas dans des cases rigides. Elle est à la fois une science, un ensemble de pratiques et un mouvement social2.

Un balisage est néanmoins indispensable afin de protéger le sens de ce terme, d’éviter sa dénaturation, et que l’agroécologie devienne un concept opérationnel compris et adapté par le plus grand nombre.

Afin de poser ce cadre nécessaire, un ensemble de documents fondateurs ont permis d’aboutir, en 2019, à la définition de 13 principes agroécologiques3.

Ces principes délimitent un cadre à l’intérieur duquel toute la diversité et la pluralité de l’agroécologie peut s’exprimer. Chaque territoire, chaque individu, qui s’engage dans la transition agroécologique, avance selon ses priorités et met en œuvre des pratiques intrinsèquement liées à son identité et à sa réalité. Le point de départ commun de toutes et tous est la volonté de respecter et de rencontrer ces principes. 

Les 13 principes sont les suivants (cliquez sur l'image pour plus de détails) : 

Schéma 13 principes

Comme illustré dans la figure ci-dessus, tous les principes sont interconnectés, se complètent les uns les autres et concernent l’ensemble des étapes du système alimentaire. Une réelle transition agroécologique ne peut se faire qu’en progressant de manière continue4 vers le respect de l’ensemble des principes. C’est cette condition qui sépare une réelle re-conception d’une simple adaptation5 des systèmes actuels. Il n’y a pas de limite claire universellement admise quant à ce qui est agroécologique et ce qui ne l’est pas, il est cependant possible de placer les fermes et les systèmes alimentaires sur une « échelle agroécologique » en fonction de leur degré de respect des 13 principes.

Un ensemble d’acteur∙rice∙s :

Le concept d’agroécologie couvre l’ensemble des dimensions du système alimentaire, de la production à la consommation. Il n’est donc pas seulement lié à la transformation des systèmes agricoles, mais s’applique conjointement à tou∙te∙s les acteur∙rice∙s du système alimentaire. En effet, les agriculteur·rice·s sont inséré·e·s dans des filières, dépendantes de marchés économiques, contraintes par des réglementations et qui évoluent en fonction de la demande des consommateur∙rice∙s. Les ordres social, politique et économique établis doivent donc également effectuer leur transition agroécologique et tendre vers le respect des 13 principes.

Un ensemble de mises en œuvre :

Il n’y a pas de méthode unique à suivre pour effectuer cette transition, chacun∙e peut commencer par ce qui lui est le plus accessible, et en même temps, il est indispensable de persévérer et de progresser vers les respect conjoint des 13 principes.

Par exemple, au niveau d’une ferme, il est possible de commencer par développer ses débouchés en circuits-courts (groupe d’achat solidaire de l’agriculture paysanne (GASAP), magasin à la ferme, marchés locaux, etc..) et d’organiser un collectif citoyen de soutien (chantiers participatifs, processus du Système Participatif de Garantie (SPG), etc..) avant de transformer peu à peu ses pratiques agricoles. Alors qu’une autre ferme modifiera drastiquement ses pratiques mais maintiendra ses réseaux de commercialisation en circuit long. Au niveau d’un territoire, il est autant possible de commencer par mettre en place un conseil de politique alimentaire (CPA) que de travailler à la structuration d’un réseau de distribution en circuit court.

L’essentiel, au centre de toutes les démarches, est de maintenir un engagement continu vers un système agroécologique de plus en plus abouti.

Une vision globale :

L’agroécologie est un objectif de transition global pour la société. Le respect conjoint des 13 principes est l’objectif final. Pour toutes les échelles spatiales concernées, la vision finale est la création d’un système agroalimentaire robuste et résilient, où chaque être est respecté, quelle que soit sa place dans l’écosystème.

L’agroécologie se base sur l’agriculture biologique et va au-delà de ses principes. L’ensemble des pratiques exigées par le cahier des charges bio sont nécessaires pour atteindre la vision idéale de l’agroécologie6, cependant elles ne sont pas suffisantes et doivent être complétées par d’autres pour respecter les 13 principes.

De façon plus détaillée, pour les agroécosystèmes, la finalité globale est d’aller vers un fonctionnement :

  • Qui permet de fermer les cycles des ressources à l’échelle de la ferme et du territoire ;
  • Autosuffisant autant que possible. En particulier sans pesticides7, ni engrais de synthèse et autonome pour l’alimentation du bétail ;
  • Permettant d’avoir des sols couverts toute l’année ;
  • Assurant le bien-être maximal des animaux et leur bonne santé tout au long de leur vie ;
  • Basé sur – et favorisant l’épanouissement de – la biodiversité sous toutes ses formes ;
  • Optimisant les synergies entre les différents ateliers de production ;
  • Basé sur une diversification des productions agricoles et des sources de revenus des agriculteur∙rice∙s ;

Au niveau des systèmes alimentaires, la vision agroécologique finale rejoint les objectifs de la mise en place d’un système alimentaire durable de la Stratégie Manger Demainet se traduit concrètement par des systèmes qui :

  • Valorisent les savoirs traditionnels et encouragent les échangent de savoirs horizontaux ;
  • Considèrent les valeurs sociales comme égales aux valeurs économiques ;
  • Veillent à l’équité tout au long de la chaîne de valeurs, avec une attention particulière sur la fixation de prix rémunérateurs pour tou∙te∙s et qui permet un système semencier libre de droits pour les agriculteur∙rice∙s;
  • Se basent sur des circuits de commercialisation courts, ancrés dans le tissu socio-économique local et qui favorisent le lien entre l’ensemble des citoyen∙ne∙s ;
  • Veillent au respect des droits fondamentaux et protège l’agroécologie via une réglementation adéquate ;
  • Se basent sur des centres de gouvernance décentralisés et inclusifs.

Conjointement à cette finalité globale, des lignes rouges9 permettent de désigner de façon claire des actions qui vont à l’encontre des principes de l’agroécologie. Toute exploitation10, projet ou structure, faisant partie du système alimentaire, qui entre dans la zone d’une de ces lignes rouges ne peut pas être considéré (ni s’en revendiquer) comme allant sur la voie de l’agroécologie, quel que soit l’ensemble des autres aspects développés.

Ligne rouge11Description/explication
OGMsLe projet12 se concentre sur l’introduction des OGMs et des technologies d’édition du génome associées.
Produits synthétiquesLe projet se concentre sur la promotion et l’utilisation des engrais et pesticides de synthèse.
MonocultureLe projet se concentre exclusivement sur la promotion (ou se base essentiellement sur) de la production de cultures de rente uniques, à grande échelle, au détriment de stratégies diversifiées.
ProductivitéLe projet se concentre exclusivement sur la productivité, entraînant la destruction évitable des écosystèmes vitaux et de leurs fonctions et services.
Système semencierLe projet promeut activement les réglementations et/ou les actions qui entravent et/ou détruisent les systèmes semenciers locaux et gérés par les agriculteurs.
Élevage industrielLe projet se concentre sur l’intensification à grande échelle de la production animale.
Femmes et groupes marginalisésLe projet exclu ou discrimine activement les femmes ou d’autres groupes marginalisés.
Aliments transformésLe projet se concentre exclusivement sur la promotion d’aliments hautement transformés et produits industriellement (à faible valeur nutritive).
ExtractivismeLe projet promeut la production de matières premières extractives qui épuise les ressources locales au fil du temps.
Droits humainsLe projet promeut des approches qui violent les droits, y compris les droits coutumiers, qui ignorent le consentement préalable donné en connaissance de cause ou qui entraînent un déplacement de population et/ou un accaparement de terres.

Tableau : Liste des lignes rouges. Source : Agroecology Coalition

Une précision est à amener concernant le cadre strict de ces lignes rouges. Pour une ferme qui chemine sur la voie de la transition agroécologique, la vision décrite ci-dessus représente l’objectif final du parcours. Selon le point de départ duquel elle démarre, il est possible que pendant un laps de temps, le plus court possible, certaines lignes rouges soient franchies, car la ferme a des pratiques qui entrent dans celles-ci. Cependant, a aucun moment de la transition, de nouvelles lignes rouges ne peuvent être dépassées. Cette tolérance ne s’applique qu’aux fermes, elle ne s’applique pas pour tout autre type d’organisation. 


[2]Wezel, A., Casagrande, M., Celette, F., Vian, J. F., Ferrer, A., & Peigné, J. (2014). Agroecological practices for sustainable agriculture. A review. Agronomy for sustainable development, 34(1), 1-20.

[3] 14ème rapport du Groupe d’experts de haut niveau, mandaté par le Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA), publié en 2019.

[4] La transition ne se réalise pas de manière continue et régulière tout au long du processus, des arrêts ou certains retours en arrière sont fréquents. Cependant l’idée ici est d’insister sur l’importance de continuer à avancer dans la transition, afin d’atteindre les objectifs des 13 principes, et de ne pas s’arrêter après la mise en place de quelques pratiques vertueuses.

[5] L’adaptation étant souvent la première étape de re-conception. Seule, l’adaptation est néanmoins insuffisante et ne permet pas de rencontrer les 13 principes agroécologiques. Voir pour cela les travaux de Gliessman (Gliessman, S.R. 2007. Agroecology: the ecology of sustainable food systems. 2nd edition. Boca Raton, USA, CRC Press. 384 pp.)

[6] Important : la certification bio n’est pas nécessaire et n’est pas imposée.

[7] Les produits utilisables en agriculture biologique sont également concernés.

[8] SPW. 2018. Vers un système alimentaire durable en Wallonie – Le Référentiel.

[9] Agroecology coalition. 2023. The agroecology assessment framework.

[10] Une tolérance est cependant admise uniquement pour les fermes, lors du début de leur transition agroécologique. Voir paragraphe suivant.

[11] Certaines lignes rouges peuvent donner l’impression de ne pas s’appliquer à l’agriculture wallonne. L’objectif à travers ces lignes rouges globales est également de baliser le développement futur de nouveaux projets ou de l’agriculture wallonne.

[12] Dans l’ensemble du tableau, le terme « projet » comprend, à la fois, les fermes, les industries, ou toute autre organisation active dans le système alimentaire.