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Cela fait plus de vingt ans que Valérie et Bernard se sont installés à la Ferme de Jambjoule, dans cet écrin de verdure situé au cœur d’un domaine appartenant à la donation royale. Respectivement psychomotricienne et conseiller dans le secteur bio, Valérie et Bernard ne sont pas issus du milieu agricole. Et c’est en fonction de leurs goûts, de leurs réalités, de leurs besoins qu’ils ont petit à petit créé cette ferme dans laquelle ils élèvent vaches et moutons, transforment le lait et commercialisent tous les produits issus de leur projet.

Présentation générale

Après une première installation en 1996, le couple a l’opportunité de reprendre une location de la donation royale en 2002. Une chance quand on démarre dans le métier, sans possibilité de reprendre une ferme familiale.

Et c’est avec deux vaches Jersey, offertes par des amis, que Valérie et Bernard ont démarré leur projet d’élevage. Pourquoi cette race ? Leur petite taille a plu à Valérie et, petit plus, leurs

Que ce soit directement en bouteille, transformé en fromage, yaourt, crème, maquée ou beurre, tout le lait de ces jolies ruminantes est transformé à la ferme et vendu en circuit court. Ces produits se vendent directement dans le magasin à la ferme, chez Fermes en Vie, une coopérative créée par quatre couples (dont Valérie et Bernard) en 2020 et dans d’autres commerces de circuit court.

mouton

En 2004, la fin d’un projet LIFE offre à Bernard la possibilité d’ajouter une dimension pastorale au projet de ferme. Bernard fait pâturer ses moutons sur des prairies calcaires situées non loin de la ferme. Une pratique que Bernard apprécie particulièrement, car l’agriculture est alors au service de l’environnement et pas uniquement productiviste.

Plus de vingt ans après avoir démarré ce projet porteur de sens, Valérie et Bernard ne cessent de le remettre en question, pour rendre l’élevage plus viable, alléger petit à petit leur charge de travail pour se consacrer à d’autres activités, tout en appréciant au quotidien la liberté qu’ils ont de faire un métier qui leur plaît, dans un environnement magnifique et en famille.

Et si c’est avec passion que Valérie et Bernard nous parlent de leur projet, les deux éleveurs ont surtout à cœur de transmettre leurs savoirs à leurs enfants, à leurs employés, stagiaires et visiteurs. Tout comme ils l’ont fait avec Claire, à l’époque jeune stagiaire et aujourd’hui éleveuse et fromagère dans le village de Barvaux-Condroz, et membre, elle aussi du réseau Terraé.

Et qui sait, Jonas, Valentine, Gabriel et Violette, leurs quatre enfants, seront les prochains heureux repreneurs de cette ferme ? En attendant, ce sont leurs noms qui se retrouvent sur les fromages de la Ferme de Jambjoule.

VIDEO : Transformation laitière et vente directe en coopérative

Le troupeau laitier est composé de 24 vaches de race Jersey, produisant 100.000 litres de lait par an, entièrement transformé en fromages, beurre, crème fraîche, maquée et yaourt. Depuis leur installation, Bernard et Valérie ont fait preuve de créativité pour commercialiser leurs produits, avec l'objectif de maîtriser la vente et tisser un lien direct avec les consommateurs. Ils ont notamment cocréé deux coopératives de producteurs : Agricovert à Gembloux en 2011 et Fermes en Vie à Marche-en-Famenne en 2020. Dans cette vidéo, Valérie vous explique comment elle a développé sa gamme de produits laitiers et mis en place ses canaux de vente.

Ferme en Vie, une coopérative de producteurs située à Marche-en-Famenne

La coopérative Fermes en Vie, regroupe quatre fermes aux productions complémentaires : fruits, légumes, viande bovine, porc, poulet de chair, produits laitiers et œufs. Afin d'optimiser l'offre, les producteurs se coordonnent même lorsque des produits similaires sont proposés, comme la viande de race Limousine et celle de Blonde d’Aquitaine. Ils ont organisé la mise en vente de leur viande de façon alternée : une semaine, la viande de l’une des fermes est proposée, puis la suivante, celle de l’autre.

À l'origine, les quatre couples fondateurs du magasin Fermes en Vie ne prévoyaient pas d’engager de personnel. Mais face à un succès grandissant, la présence constante de trois personnes durant les jours d'ouverture (jeudi, vendredi, samedi) est rapidement devenue indispensable pour répondre à la demande. Avec pour conséquence de réduire le temps disponible pour se consacrer à la production au sein des fermes.

Il n'y a rien à faire, on ne peut pas être au four et au moulin. Plus on était dans la vente, moins on était attentifs à nos troupeaux et à la production. Nous avons donc voulu nous recentrer sur la production.

Pour que les producteurs consacrent plus de temps à leurs fermes, la coopérative Ferme en Vie a finalement engagé une vendeuse en juin 2024. Elle a été formée notamment en visitant les fermes qui fournissent le magasin, et parfois même en y travaillant quelques heures. Cela permet de conserver un véritable lien entre les lieux de production et les consommateurs-mangeurs.

Investissement et fonctionnement

La création de la coopérative a mobilisé un investissement total de 74.000€, dont 24.000€ apportés sur fonds propres, soit 3.000€ par producteur, et un emprunt bancaire de 50.000€ remboursables sur 5 ans.

Les revenus de la coopérative proviennent d’une commission de 10% sur les ventes des produits des producteurs, ainsi que des marges réalisées sur la vente des produits d’épicerie (pain, boissons, pâtes, farine, etc.). Parmi les charges supportées par la coopérative figurent le loyer du magasin, les frais d’eau, d’électricité et de chauffage, ainsi que, depuis peu, le salaire de la vendeuse.

Grâce à un système de dépôt-vente inspiré d’un autre magasin de producteurs situé à Grenoble (Herbe et Coquelicot), la coopérative ne gère aucun invendu de produits frais. Chaque producteur apporte ses produits le premier jour d’ouverture de la semaine (jeudi) et récupère le surplus le samedi soir, après trois jours de vente. Les commissions dues par les producteurs sont facturées trimestriellement en fonction des volumes vendus. La bonne gestion du magasin repose notamment sur l’utilisation d'un logiciel de caisse adapté, fourni par l’entreprise MICROCONCEPT.

Transformation du lait de Jersey

Troupeau Jersey de la ferme de JambjouleMoyenne des troupeaux laitiers wallons
Matières grasse (%)5,334,42
Protéines (%)4,153,57
Caséines (%)3,302,70
Calcium (mg/kg)14101220
Rendement fromager (base 100)120104
Comparaison de la composition du lait et du rendement fromager du troupeau de la ferme de Jambjoule le 24 janvier 2024 à la moyenne wallonne calculée sur la période du 21/12/2023 au 24/01/2024.

Le lait des vaches Jersey est particulièrement riche en matières matière grasses, protéines, caséine et calcium. Cette composition spécifique permet d'obtenir d'excellents rendements fromagers en comparaison à d'autres races. Cependant, Bernard et Valérie ont observé des défauts d'affinage en raison d’un excès de matières grasses. Ils écrèment désormais environ un tiers du lait, qu'ils réintègrent ensuite dans la cuve pour en abaisser la teneur et améliorer la qualité de leurs fromages.

Le petit-lait issu de la transformation fromagère est valorisé pour l'engraissement d’environ 40 porcs par an, vendus ensuite sous forme de colis à 14 €/kg. En intégrant le lactosérum dans leur alimentation, Bernard et Valérie réduisent d’un tiers la quantité de farine habituellement nécessaire pour l’engraissement. Ce sous-produit offre un double avantage : il allège les coûts alimentaires tout en améliorant les qualités gustatives de la viande.

Lot de porcs partiellement nourrit au lactosérum, sous-produit de la fromagerie.

VIDEO : L'éco-pâturage, une voie de diversification des activités agricoles

Définition. L'éco-pâturage est une pratique d'entretien des espaces naturels, urbains ou semi-naturels par le pâturage de troupeaux d'animaux domestiques, généralement des moutons, chèvres, ou bovins. Cette pratique vise à maintenir la biodiversité, limiter l'embroussaillement, réduire les risques d'incendie et restaurer des écosystèmes spécifiques (prairies, pelouses calcaires, zones humides, etc.).

En 2004, le gestionnaire d’un projet de restauration de pelouses calcaires a proposé à Bernard et Valérie de prendre en charge la gestion par le pâturage des réserves nouvellement restaurées. Déjà éleveurs de moutons, ils ont saisi cette opportunité de diversification sans hésiter, motivés par l’adoption de ce mode d’élevage extensif qu’est le pastoralisme.

Les sources de revenu de l'activité

L'éco-pâturage combine production agricole, à travers la viande d’agneaux et de brebis, et services environnementaux, en assurant notamment l’entretien des réserves naturelles. La vente de viande ovine ne constitue que 29 % des revenus de cette activité, tandis que 71 % proviennent des aides et indemnités financées par la .

Commercialisation de la viande

La viande d’agneau est commercialisée sous forme de colis distribués trois à quatre fois par an aux clients locaux. Elle est également proposée via les coopératives Fermes en Vieet Agricovert, dans un restaurant marocain, et partiellement vendue à un marchand.

Sources d'aides

Les aides représentent la majeure partie du chiffre d’affaires de l’activité d’éco-pâturage, avec les dispositifs suivants (par ordre d’importance) :

  1. Natura 2000, UG2 (milieux ouverts prioritaires) : 460€/ha
  2. Prairie de haute valeur biologique : 470€/ha ou 250€/ha si zone Natura 2000
  3. Race locale menacée : 40€/brebis
  4. Paiement de base au revenu : environ 109€/ha
  5. Soutien couplé au revenu ovins : maximum 27€/animal
  6. Eco-régime prairies permanentes : 82€/ha
  7. Autonomie fourragère : 60€/ha
  8. Éco-régime couverture longue de sols : 45€/ha

Cumul des aides

Toutes ces aides peuvent être cumulées avec les indemnités Natura 2000, à l’exception du soutien à l’agriculture biologique et d’une partie de la Prairie de haute valeur biologique (limitée à 250 €/ha au lieu de 470 €/ha en zone Natura 2000).

Pour en savoir plus sur les objectifs des , du réseau Natura 2000 ou pour consulter les cahiers des charges, rendez-vous sur le site www.natagriwal.be.

Mergelland et roux ardennais, deux races rustiques

Mergelland
Mergelland (au centre) et Roux Ardennais (les autres).

La Ferme de Jambjoule compte environ 200 brebis, de race Mergelland et Roux Ardennais. Les moutons Mergelland, peu connus et en voie de disparition, viennent des régions calcicoles de la frontière belgo-néerlandaise. Ils sont bien adaptés à l’entretien des pelouses calcaires. L’Ardennais Roux, une race rustique belge, convient également aux terrains peu productifs. Bernard a choisi ces deux races pour leur capacité à tolérer des périodes de disette (régime "en accordéon"), leur aptitude à la marche et leur facilité d’agnelage. Le principal inconvénient de ces races rustiques est la conformation plus légère des agneaux. Pour y remédier, Bernard croise une partie du troupeau avec du Charolais, une race plus viandeuse, afin d'améliorer le rendement des agneaux destinés à la boucherie.

La laine

Comme beaucoup d'éleveurs de moutons, Bernard rencontre des difficultés pour valoriser la laine de son troupeau. Les Roux Ardennais et les Margelland produisent une laine trop grossière pour le textile. Celle-ci est donc soit vendue à des fabricants d'isolants, pour un prix modeste (0,10€ à 0,25€/kg), soit utilisée comme paillage autour des jeunes plantations de haies ou encore stockée pour des projets de construction.

Le jour où on aura une masse critique de laine, on la fera laver à façon et on fera de l'isolant pour nos propres constructions

Le loup

Le retour du loup suscite des sentiments partagés chez Bernard, mêlant admiration et appréhension. Conscient de l’impact écologique positif de ce grand prédateur, il envisage déjà des changements dans ses pratiques d’élevage pour cohabiter avec lui.

Si le loup s'installe vraiment, il va falloir revenir à un mode de pâturage comme avant, avec un berger qui accompagne son troupeau et qui le met dans un endroit sûr le soir. Donc, ça va modifier notre métier. On retournera à du vrai pastoralisme comme avant.

Le futur de la ferme de Jambjoule

Alléger le travail pour faciliter la transmission

Actuellement, les vêlages sont répartis sur toute l'année, impliquant une production continue, sans répit. Cette organisation exige une transformation quotidienne du lait. Valérie et Bernard, qui ont déjà opté pour la monotraite afin de réduire le travail d’astreinte, envisagent maintenant d’aller plus loin : regrouper les vêlages pour créer une période de tarissement commune, ce qui leur permettrait de fermer la salle de traite et la fromagerie pendant deux mois par an.

Nous voulons assurer la transition sans trop de poids, de charge de travail, parce que je sais que nos enfants sont intéressés, mais pas avec autant de travail que nous. Ils nous prennent pour des fous d'avoir fait autant durant notre vie, et eux, ils veulent combiner leur vie avec d'autres passions.

Imaginer la reprise à plusieurs, en collectif

Jonas, l’un des enfants de Valérie et Bernard, envisage de reprendre la ferme vers 2030 en créant une structure collective, en s’associant avec des partenaires partageant sa vision. En attendant, il développe de nouveaux projets pour diversifier les activités, comme des vergers de pommiers et poiriers, avec l’objectif de lancer une cidrerie, un sujet qu’il avait exploré dans son travail de fin d’études. Il rêve aussi d’installer un four à pain pour organiser des soirées pizza tous les vendredis, où les voisins et amis pourraient se réunir autour d’un repas sain et convivial.

Les projets ne manquent pas et faudra voir avec qui ça se mettra.

Jonas

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