Semis de prairie sous couvert

Introduction

Au cours des dernières années, les phénomènes climatiques extrêmes se sont multipliés, avec des hivers doux et pluvieux suivis de longues sécheresses, souvent entrecoupées d’orages violents. Implanter de nouvelles prairies dans ces conditions devient de plus en plus difficile, qu'il s'agisse de semis en fin d’été ou de printemps.

Pour réduire les risques d’échec lors de l’implantation de prairies et assurer leur autonomie fourragère, certains éleveurs ont progressivement développé la technique du semis sous couvert. Cette approche consistait initialement à semer des mélanges prairiaux au printemps en association avec de l’avoine ou un mélange avoine-orge destiné à être moissonné.

Depuis plusieurs années, la technique évolue vers un semis simultané d’un mélange prairial et de plantes de couverture récoltées sous la forme de fourrage. La récolte précoce de ces plantes de couverture libère plus tôt la prairie en sous-étage, facilitant ainsi son développement. Les plantes de couverture sont généralement une association de céréales et de légumineuses (méteils), qui garantissent une production élevée la première année, malgré la rénovation de la prairie, et limitent fortement la levée des adventices.

Fourrages Mieux a publié un guide technique du semis de prairie sous couvert, qui compile sept années de suivis en ferme et deux années d’essais scientifiques, offrant ainsi un support précieux pour toute personne souhaitant se lancer dans cette pratique.

Cette fiche présente les résultats d’un essai mené chez Jean-Pierre Deru, éleveur laitier en agriculture biologique dans le Pays de Herve et membre du réseau Terraé.

Objectif de l’essai

L'objectif de l'essai mis en place était double :

• Comparer deux mélanges de couverts identiques, semés à deux densités différentes.
• Evaluer l’intérêt du trèfle squarrosum par rapport au trèfle incarnat dans le couvert. Les caractéristiques de ces deux trèfles annuels sont détaillées dans le tableau ci-dessous.

Dispositif et protocole

Quatre bandes d’essai d’environ 50 ares ont été délimitées dans une parcelle située à Herve. Le sol de cette parcelle est limoneux à limono-caillouteux. Le précédent était un épeautre sur une partie de la parcelle et un tournesol sur le reste. L’objectif de l’agriculteur était de réimplanter une prairie permanente pour une exploitation mixte (fauche et pâture). Le semis a été réalisé le 7 octobre 2022.

Les 4 mélanges de couvert testés sont :

• Mélange 1 : 45 kg avoine + 30 kg pois fourrager + 30 kg vesce + 5 kg trèfle squarrosum
• Mélange 2 : 45 kg avoine + 15 kg pois fourrager + 15 kg vesce + 2,5 kg trèfle squarrosum
• Mélange 3 : 45 kg avoine + 8 kg trèfle squarrosum
• Mélange 4 : 45 kg avoine + 8 kg trèfle incarnat

Le mélange 1 est celui que l’agriculteur prévoyait de semer sur toute sa parcelle. Le mélange 2 est une adaptation sur base des essais préalables menés par Fourrages Mieux. Ces essais nous apprennent qu’une densité trop élevée de méteil a tendance à étouffer la prairie en sous-étage.

Les mélanges 3 et 4 avaient pour objectif d’évaluer l’intérêt du trèfle squarrosum comparativement au trèfle incarnat couramment utilisé dans les couverts.

Pour chaque mélange, les données suivantes ont été mesurées ou collectées pour les deux premières exploitations (une fauche et un pâturage) :

• Rendement (t/

  Matière sèche

  /ha)
• Valeur alimentaire (

  Voeder Eenheid voor Melk (Unité fourragère lait)

  ,

  Darmverteebaar Eiwit (protéines digestibles dans l’intestin)

  ,

  Onbestendige Eiwit-Balans (Balance des protéines dégradables)

  , Sucres solubles, fibres, protéine brute totale)
• G% (contribution de chaque espèce au rendement de matière sèche)
• Coût d’implantation

Résultats

Coût d’implantation de la nouvelle prairie selon le couvert

En 2023, le coût moyen d’implantation d’une prairie sous couvert était d’environ 630 €/ha (données Fourrages Mieux). Pour cet éleveur, le coût est plus élevé, d’une part en raison du prix plus élevé des semences en agriculture biologique et d’autre part parce que le mélange prairial a été semé à une densité de 40 kg/ha. Une densité de 30 kg/ha aurait été suffisante, permettant ainsi d’économiser environ 90 €/ha.

Première coupe

Les rendements de chaque mélange et la contribution des principales espèces sont présentés dans la figure 3 pour la 1ère coupe. Le rendement le plus élevé est atteint avec le mélange de plantes de couvertures semées à dose réduite (2). Ce mélange est aussi celui qui a permis le meilleur développement de la prairie en sous-étage. Le couvert de trèfle squarrossum (3) présente quant à lui un rendement significativement plus faible.

Les valeurs alimentaires de chaque mélange sont présentées dans le tableau ci-dessous pour la 1ère coupe. Il y a globalement peu de différences : les quatre fourrages sont équivalents en termes de qualité.

Deuxième exploitation (pâturage)

Les rendements de chaque mélange et la contribution des principales espèces sont illustrés dans la figure 4, correspondant à la deuxième exploitation de la parcelle par pâturage, réalisée le 9 juin 2023. Aucune différence significative de rendement total n’a été observée en fonction du couvert semé initialement. Globalement, la présence d’adventices est restée limitée lors de cette deuxième exploitation (moins de 2 %), atteignant ainsi l’un des objectifs principaux de la technique de semis sous couvert.

Cependant, les repousses d’avoine ont été abondantes (24 à 60% du rendement de la 2ème exploitation) probablement en raison d’une première coupe réalisée au stade feuillu, avant la montaison de l’épi. Ces repousses, rapidement lignifiées, sont peu appétentes et ont donc été délaissées par les vaches au pâturage.

Pour éviter ces repousses mal appétées, il est possible d’opter pour un couvert composé uniquement de légumineuses : des trèfles annuels pour les semis d’automne et des pois protéagineux pour les semis de printemps. Ce type de couvert offre un rendement inférieur lors de la première coupe mais produit un fourrage de meilleure qualité (plus digestible, plus riche en énergie et en protéines).

Le tableau ci-dessous reprends les valeurs alimentaires des quatre mélanges. Les trois premiers mélanges sont très semblables mais le quatrième est moins riche en énergie et en protéine. Ce mélange 4 est aussi celui dont les repousses d’avoine représentaient la plus grande partie du rendement.

Conclusion

L’essai visait à évaluer l’intérêt du trèfle squarrosum par rapport au trèfle incarnat dans le couvert et à comparer deux mélanges de couverts identiques semés à deux densités différentes.

Trèfle squarrosum

• Le rendement total de la première coupe avec le trèfle incarnat s’est avéré supérieur de 72 % par rapport au trèfle squarrosum.
• Les valeurs alimentaires du couvert sont similaires avec les deux espèces de trèfles.
• Le couvert avec le trèfle squarrosum était moins dense, ce qui laissait davantage de place pour la prairie en sous-étage, mais également pour les adventices.

Le trèfle squarrosum n’a pas montré d’avantages significatifs dans cet essai par rapport au trèfle incarnat pour une utilisation en couvert de semis de prairie.

Densité de semis du couvert

• Le rendement du couvert a été 25 % plus élevé avec une densité de semis réduite.
• Les valeurs alimentaires sont comparables entre les deux densités.
• La prairie s’est mieux développée avec une densité réduite : elle a produit plus du double lors de la première coupe (1,7 t de

  Matière sèche

  au lieu de 0,8 t de

  Matière sèche

  /ha).
• L’économie en semences atteint 67,20 €/ha avec la densité réduite.

Réduire la densité de semis du couvert a permis non seulement de diminuer le coût des semences, mais aussi de limiter la concurrence avec la prairie, favorisant ainsi son développement.