La gestion raisonnée du parasitisme chez les bovins et les ovins
Table des matières
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Introduction
Cette fiche est un extrait de la brochure "La gestion raisonnée du parasitisme chez les bovins et ovins, Conseils et bonnes pratiques pour les éleveurs", éditée par l'ASBL Natagriwal et accessible ici.
L’enjeu de la gestion raisonnée du parasitisme chez le bétail est de concilier les aspects sanitaires, économiques et écologiques.
Enjeux sanitaires
Tout éleveur souhaite un troupeau en bonne santé. Il a donc tendance à traiter systématiquement le bétail. Or, il est important d’éviter le surtraitement des animaux pour favoriser leur immunité naturelle et limiter le phénomène de résistance chez les parasites.
Les animaux ont besoin d’une exposition faible et régulière avec certains parasites pour développer une immunité. Lorsque l’immunité est installée, l’animal ne doit plus être vermifugé contre les parasites gastro-intestinaux car il est capable de lutter seul contre ces agents pathogènes.
En Belgique, un important phénomène de résistance aux antiparasitaires est constaté chez les ovins. Ce phénomène commence à apparaître chez les bovins. Il est donc essentiel d'utiliser au mieux le peu de molécules disponibles qui sont encore efficaces.
Quelques éléments interpellant au sujet de la résistance aux antiparasitaires :
- Les benzimidazoles (voir la liste des antiparasitaires en pages 12-13 de la brochure) ont été mis sur le marché dans les années 1960. Le premier signalement de résistance à cette famille de molécules fut observé 5 ans plus tard chez un mouton. Aujourd’hui, certains parasites sont résistants à plusieurs familles d’antiparasitaires. De ce fait, certaines régions d’Afrique du Sud ou de Nouvelle-Zélande ont arrêté l’élevage de moutons.
- La dernière molécule utilisée pour les bovins et mise sur le marché en 1991 (une lactone macrocyclique) a déjà entraîné des résistances. L’arsenal thérapeutique diminue.
Il est impossible d’éradiquer tous les parasites à long terme. Ce n’est pas souhaitable, il faut apprendre à vivre avec eux.
Enjeux écologiques
Certaines substances antiparasitaires ont un impact négatif sur la biodiversité. Elles sont toxiques pour les insectes coprophages qui jouent un rôle essentiel dans l’écologie des prairies.
Le rôle des insectes coprophages
- Facilitation de la fertilisation du sol par le recyclage de l’azote provenant de la décomposition des déjections animales.
- Perturbation du cycle de certains parasites du bétail et/ou destruction de leurs larves.
- Précieuse source de nourriture pour les animaux insectivores (oiseaux et mammifères principalement). La chauve-souris grand rhinolophe, espèce protégée visée par Natura 2000, se nourrit exclusivement d'insectes coprophages à certains moments de son cycle.
Le rôle des chauve-souris
- Lutte contre des insectes nuisibles aux productions agricoles comme des hannetons ou les tipules dont les larves occasionnent le jaunissement des herbages en mangeant les racines.
- Lutte contre les insectes nuisibles pour le bétail comme les mouches piqueuses (Stomoxys calcitrans) qui sont capables de transmettre des agents pathogènes. Ces mouches sont les proies favorites du murin à oreilles échancrées qui les chasse dans les étables.
- Une chauve-souris peut consommer jusqu’à 3.000 insectes par nuit de chasse.
La chauve-souris est un insecticide naturel et économique.
Enjeux économiques
La gestion du parasitisme a un coût. Selon l’industrie pharmaceutique, le développement et la mise sur le marché d'une nouvelle molécule antiparasitaire coûte entre 90 et 120 millions d'euros.
Dans un élevage de nos régions, traiter un troupeau de 200 bovins adultes coûte entre 500 et 3.800 € par traitement. En général, les molécules les plus rémanentes (durée d’action les plus longues) sont les plus chères. Pour les moutons, cela varie de 50 à 250 € pour traiter 100 adultes.
La gestion du parasitisme chez les bovins et les ovins coûte 10 milliards d'euros dans le monde entier.
Toutefois, dans certains cas, ne pas traiter comporte des risques et représente un impact financier. Par exemple, pour un élevage laitier, le parasitisme gastro-intestinal occasionne, par année, des pertes économiques estimées en moyenne à 50 € par vache (10 € par vache pour la douve du foie). Il y a donc un juste équilibre à trouver entre l'absence de traitement et le surtraitement.
Un suivi parasitologique de l'exploitation (analyses et conseils vétérinaires) est moins cher qu’un traitement systématique à l’aveugle, comme le démontre une étude économique (voir encart ci-contre).
Il est donc important d’avoir une gestion raisonnée des traitements pour réaliser des économies tout en favorisant l’immunité des animaux. Ils sont alors plus résistants aux parasitoses. Le troupeau s'en portera d'autant mieux … et le portefeuille également !
Les bonnes pratiques
La gestion des prairies permet de réduire fortement la pression d'infestation parasitaire. C’est le moyen préventif le plus efficace. Il existe plusieurs bonnes pratiques pour diminuer la charge parasitaire dans les prairies. Elles sont valables tant pour les bovins que pour les ovins.
Lors de la mise en pâture
- Assurer une bonne transition alimentaire pour favoriser/développer l'immunité et la bonne santé de l'animal :
- Pour les jeunes allaitants : ils ont naturellement une transition lente vers le parasitisme car ils boivent le lait de leur mère et mangent moins d'herbe.
- Pour les jeunes non allaitants : attendre qu’ils soient âgés de 6 mois pour les sortir en pâture et, si besoin, les complémenter au pré pour que la transition vers le parasitisme soit plus lente.
- Pour les adultes : transition d’une alimentation hivernale vers une alimentation de printemps (vitamine A, oligo-élements, etc.).
- Veiller à ne pas avoir une charge à l’hectare trop élevée, surtout pour les jeunes. Entre 2 et 3 UGB/ha*.
- Mettre des jeunes animaux sur des prairies à moindre risque**.
- Éviter de mettre des animaux productifs ou en croissance dans des prairies humides (où des cas de douve du foie ont été diagnostiqués).
* 1 ovin de > 6 mois = 0,5 UGB; 1 génisse = 0,6 UGB ; 1 vache adulte (ou 5-6 brebis) = 1 UGB
** Les principaux types de prairies "à risque" sont les parcelles pâturées par des jeunes ; les parcelles qui ne sont jamais fauchées ; les parcelles où les animaux restent toute l’année ; les prairies humides.
Pendant la saison
- Laisser les animaux pâturer selon une rotation de 3 à 4 semaines (en fonction de la météo, voir cycle en page 7 de la brochure) sur la même prairie ou éviter de les faire pâturer trop ras (les parasites sont concentrés dans les 5 premiers centimètres d’herbe à partir du sol).
- Privilégier du co-pâturage/pâturage alternatif (bovins-ovins ou avec des chevaux).
- Faucher (idéal) permet d’exposer les larves de parasites à la sécheresse et donc de les éliminer.
En arrière-saison
- Ne pas rentrer les animaux trop tard. Lors d’une période de plusieurs jours en dessous de 10°C, penser à rentrer les animaux sinon les parasites s’enkystent et passent l’hiver dans l’animal sans que les traitements puissent agir.
- Réfléchir sur la santé du troupeau : sélectionner les individus les plus résistants aux parasites et réformer de son troupeau les animaux trop parasités chaque année.
Faire régulièrement des analyses coprologiques
La gestion du parasitisme passe par des analyses permettant d’affiner le diagnostic clinique. Il faut s’assurer que l’animal ne soit pas en déséquilibre avec ses parasites. Plusieurs analyses de routine existent, mais la plus courante est la coprologie.
La coprologie est l’identification des œufs de parasites digestifs et ceux responsables de la douve dans les matières fécales. Elle permet de déterminer le niveau d’infestation de l’animal grâce au comptage des œufs par gramme de matières fécales (OPG). Ce type d’analyse permet de traiter uniquement quand c’est nécessaire !
L’interprétation des résultats doit se faire en collaboration avec un vétérinaire.
Le bon traitement c'est le bon dosage au bon moment !
- Adapter la dose, surtout éviter le sous-dosage.
- Adapter le vermifuge à la biologie du parasite : voir tableaux ci-dessous. En général, on ne traite pas la douve au même moment de l’année que les strongles digestifs. Il en va de même pour d’autres parasites. Pour cette raison, il vaut mieux éviter les molécules antiparasitaires à large spectre (en rouge et orange dans les tableaux).
- Ne pas traiter tous les individus en même temps mais seulement sur base d’analyses et de l’état corporel (ou autres critères de santé) de chaque individu. Il s'agit de maintenir une population refuge de parasites gastro-intestinaux (larves ou adultes non exposés aux vermifuges dans la prairie ou dans l'animal) pour diluer le nombre de parasites résistants avec les parasites sensibles. Vermifuger après le changement de pâture permet également de laisser des parasites sensibles au vermifuge sur la parcelle.
- Contrôler régulièrement l’efficacité des vermifuges, surtout chez les moutons. Ce test s’appelle le FECRT/TREF ou le calcul de la réduction du nombre d’œufs de parasites. Il se fait via une coprologie avant et 10 à 14 jours après un traitement : l’OPG doit avoir diminué d’au moins 90 % entre les prélèvements réalisés avant et après traitement. Dans le cas contraire, il faut suspecter une résistance au vermifuge utilisé.
Webinaire
Ariane Meersschaert vous explique de vive voix comment traiter moins pour gagner plus dans ce webinaire organisé pour le réseau de fermes Terraé.
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Ariane MEERSSCHAERT
Vétérinaire - Cellule d'appui scientifique
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