Associer les cultures revient à cultiver une ou plusieurs espèces conjointement durant au moins une partie de leur cycle. Ces espèces peuvent être cultivées en mélange (photo 1), ou associées en rangs ou bandes alternées (photo 2). Par ailleurs, elles peuvent être semées et récoltées en même temps ou de manière décalées, dites « en relais » (photo 3).

En Wallonie, céréales et légumineuses se marient particulièrement bien (photos 1 et 2). Céréales et lentilles s’associent aussi avec la cameline. Il est possible d’associer cultures (récoltées) et plantes compagnes (non récoltées), ces dernières étant utiles aux premières. On associe par exemple le colza avec une diversité de légumineuses (lentille, féverole, fenugrec, trèfle blanc nain).

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Prévenir les infestations d’insectes nuisibles

En moyenne, associer les cultures permet de réduire les infestations d’insectes nuisibles d’environ 40 %.[1] En Allemagne en agriculture biologique, des féveroles (semées à pleine dose) mélangées à du froment (semé à demi-dose) étaient 1,5 fois moins infestées par des pucerons que des féveroles pures.[2] À Gembloux, on a compté 1,5 fois moins de pucerons sur du pois et 3 fois moins de pucerons sur du froment quand ils étaient associés en bandes alternées de 2 m de large (semés tous les deux à pleine dose) plutôt que cultivés en pure.[3]

Trois phénomènes, agissant potentiellement de concert, peuvent expliquer cette capacité des cultures associées à prévenir les infestations d’insectes nuisibles :

  • Le risque d’un atterrissage inapproprié.

Un insecte en vol est stimulé à atterrir sur une plante hôte grâce à des volatils émis par celle-ci. Néanmoins, ces signaux ne sont pas assez puissants pour l’orienter précisément jusqu’à elle. Pour atterrir sur la plante, l’insecte utilise le contraste visuel entre celle-ci (verte à nos yeux) et le sol (marron). Dans une culture pure, où 100 % des plantes sont celles qu’il recherche, l’insecte atterrira à coup sûr sur sa plante hôte et pourra alors rapidement s’en nourrir et causer des ravages. Dans des cultures associées, en revanche, il y a de grandes chances pour que l’insecte atterrisse sur une plante non hôte. En effet, la plupart des insectes herbivores sont spécialistes d’une famille de plantes et ne se nourrissent généralement que d’un nombre limité d’espèces. Typiquement, les pucerons des céréales à paille s’attaquent au froment, à l’orge, à l’avoine ou au seigle. Ils se distinguent des pucerons des légumineuses qui se développent entre autres sur le pois ou la féverole. Un puceron des céréales qui atterrit sur un pois doit planter son rostre (organe piqueur-suceur) dans celui-ci pour se rendre compte qu’il s’est trompé. Il devra alors reprendre son envol. Cette erreur lui aura coûté beaucoup d’énergie et donc d’espérance de vie. Qui plus est, dans des cultures associées, rien ne lui garantit que le prochain atterrissage soit plus fructueux.

  • Un effet barrière freinant la dispersion.

Si néanmoins, l’insecte réussit finalement à atterrir sur une plante hôte, il y développera probablement une descendance qui, une fois trop nombreuse, cherchera à se disperser en colonisant une nouvelle plante hôte. Dans une culture pure, c’est la plante voisine. La dispersion est donc facilitée et la colonisation rapide. Dans des cultures associées, il y a des chances que la plante voisine soit une plante non hôte. Pour l’insecte, celle-ci représente un mur, une barrière physique freinant la dispersion et donc la colonisation de la parcelle.

  • Un environnement propice aux auxiliaires.

Souvent, on retrouve un plus grand nombre d’individus et d’espèces de prédateurs et de parasitoïdes des nuisibles dans les cultures associées que dans les cultures pures.[1] En effet, la diversité végétale tend à complexifier l’environnement, offrant plus de ressources aux auxiliaires pour se développer. Associer une légumineuse à une céréale permet de mieux couvrir le sol au bénéfice des prédateurs rampants. A Gembloux, 5 fois plus de carabes (Photo 4) et 1,5 fois plus de staphylins ont été observés dans un mélange froment-pois par rapport au froment pure.[4] Des plantes associées dites « compagnes » peuvent aussi abriter des proies alternatives, c’est-à-dire des insectes peu ou pas problématique pour la culture principale qui serviront de garde-manger pour les prédateurs. C’est l’objectif visé quand on associe de la féverole (sur lequel se développe le puceron noir Aphis fabae) à la betterave en vue de réguler les infestations du puceron vert Myzus persicae, vecteur de la jaunisse (Photo 5).

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Efficace contre les maladies et les adventices

Associer les cultures permet aussi de prévenir le développement des maladies aéroportées et des adventices. Comme contre les insectes, les plantes non hôtes font obstacle à la dispersion des spores pathogènes. Quant aux adventices, elles sont soumises à une plus grande compétition pour les ressources nutritives et la lumière dans les cultures associées. Ceci bénéficie surtout aux cultures sensibles aux adventices telles que les légumineuses. Une demi-dose de froment dans une pleine dose de féveroles permet de réduire de 60 % la biomasse d’adventices à la récolte en comparaison aux féveroles pures en agriculture biologique.[2] De même, une demi-dose d’orge dans une pleine dose de pois permet de réduire de 70 % la biomasse d’adventices à la récolte en comparaison aux pois purs.[5]

Des bénéfices multiples soutenus financièrement

Ces effets bénéfiques des cultures associées pour parer aux infestations multiples viennent compléter d’autres intérêts parfois mieux connus :

  • Les céréales bénéficient des nutriments captés et transférés par les légumineuses auxquelles elles sont associées, ces dernières pouvant assimiler l’azote de l’air grâce à une symbiose qui leur est propre avec les bactéries du genre Rhizobium au niveau de leurs racines. Ceci représente une source d’azote bienvenue en agriculture biologique.
  • Les céréales servent souvent de tuteur pour certaines espèces qui tendent à verser facilement. C’est par exemple le cas pour le pois, qui bénéficie ainsi de la présence du froment.
  • Associer plusieurs espèces d’intérêt économique permet en général d’augmenter la production totale à l’échelle de la parcelle, et donc d’améliorer l’efficacité dans l’usage des ressources. Bien que le rendement absolu de chacune des espèces peut être diminué lorsqu’elles sont associées, la somme de leur rendement dans l’association dépasse en général la somme de leur rendement respectif si elles étaient cultivées séparément.[6] Néanmoins, cet effet bénéfique ne vaut pas pour les associations avec des plantes compagnes, ces dernières n’étant pas récoltées. De plus, les plantes compagnes peuvent être responsables de pertes de rendement lorsqu’elles deviennent trop compétitrices.
  • Cultiver des associations de cultures offre une assurance face à un risque d’échec partiel d’une d’entre elles. Autrement dit, associer les cultures permet de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. D’autant plus que l’échec d’une des associées sera compensé par l’autre qui verra sa productivité augmenter en utilisant les ressources laissées vacantes par la première.

Ces bénéfices multiples sont soutenus financièrement au sein de l’éco-régime « Cultures favorables à l’environnement », via sa variante « Cultures en mélange ». Les cultures associées sont soutenues à hauteur de 380€/ha pour une récolte entre le 31 mai et le 15 juin, ou 440€/ha si récoltées après le 15 juin. Sont éligibles :

  • Les mélanges de céréales (avoine, épeautre, froment, engrain ou petit épeautre, orge, seigle et triticale) et de légumineuses (féverole, lentille, pois protéagineux, pois fourrager et vesce), avec au moins 50 % de céréales et au moins 20 % de légumineuses ;
  • Les mélanges de caméline et de lentilles, avec au moins 20 % d’une des espèces ;
  • Les mélanges de céréales (avoine, épeautre, froment, orge, seigle et triticale) et de caméline ou de lentilles, avec au moins 20 % de cameline ou de lentilles.

La proportion de chaque espèce dans la composition du mélange est déterminée sur base de la densité usuelle de leur semis en culture pure, reprise sur la page internet dédiée du Portail de l’Agriculture Wallonne.[7]


[1] Rakotomalala AANA, Ficiciyan AM, and Tscharntke T, Intercropping enhances beneficial arthropods and controls pests: a systematic review and meta-analysis, Agric Ecosyst Environ 356:108617 (2023).
[2] Hatt S and Döring TF, The interplay of intercropping, wildflower strips and weeds in conservation biological control and productivity, J Pest Sci (2024).
[3] Lopes T, Bodson B, and Francis F, Associations of wheat with pea can reduce aphid infestations, Neotrop Entomol 44:286–293 (2015).
[4] Puliga GA, Arlotti D, and Dauber J, The effects of wheat-pea mixed intercropping on biocontrol potential of generalist predators in a long-term experimental trial, Ann Appl Biol 182:37–47 (2023).
[5] Corre-Hellou G, Dibet A, Hauggaard-Nielsen H, Crozat Y, Gooding M, Ambus P, et al., The competitive ability of pea–barley intercrops against weeds and the interactions with crop productivity and soil N availability, Field Crops Res 122:264–272 (2011).
[6] Li C, Hoffland E, Kuyper TW, Yu Y, Zhang C, Li H, et al., Syndromes of production in intercropping impact yield gains, Nat Plants 6:653–660 (2020).
[7] Portail de l’agriculture wallonne, Eco-régime: Culture favorable à l’environnement (Nouveauté 2024). https://agriculture.wallonie.be/home/aides/pac-2023-2027-description-des-interventions/eco-regimes-nouveaute-2024/eco-regime-culture-favorable-a-l-environnement.html.

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